loge Giordano Bruno
La résilience...de l’autre coté du mur.
J’ai choisi de vous proposer de réfléchir ensemble à l’idée de résilience.
C’est la 1ère fois que je prends la parole ici devant vous...
...Et aussi je peux être anxieuse dans ma vie, sur notre planète qui met actuellement
grandement à mal mon optimisme. Alors il m’arrive de me dire, et si ? Et si ma bonne étoile
me lâchait ? et si j’étais confrontée à une terrible adversité ? une catastrophe, une agression,
une guerre, un enfermement, une amputation, un drame etc.
C’est dans la palette de la plupart des êtres humains de connaître des deuils, des maladies,
des violences, des évènements traumatisants qui font alors émerger des crises existentielles
sur le sens de la vie, sur la justice, sur la souffrance dans le monde. Pourtant j’ai toujours
jusque là, été confrontée à des mûrs surmontables, que j’ai pu contourner, ou escalader ou
briser, voire traverser, dans mes rêves quand j’étais apprentie sorcière à Poudlard sur le quai
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Mais..., si la vie mettait devant moi des mûrs hyper costauds qui font obstacle à mes
projets, qui m’empêchent d’avancer, saurais-je toujours aller... de l’autre côté du mur ?
Je me suis posé souvent cette question : Comment font ceux/celles qui ont subi de
profonds traumatismes pour parvenir à se reconstruire sans sombrer dans la dépression ?
Pourquoi certaines personnes flanchent et d’autres renaissent ? J’ai lu qu’il y a différentes
phases par lesquelles passent les personnes résilientes pour résister, tenir bon, ne pas être
déshumanisées, pour reprendre goût à la vie, garder foi et confiance en l’avenir et dans le
genre humain. Je pensais que c’était surtout une histoire de force personnelle, de volonté
farouche, de flexibilité mentale, mais j’ai découvert que ce qui caractérise la sortie du tunnel
c’est la capacité à trouver des personnes ressources pour reprendre son destin en main, un
entourage faisant preuve d’empathie (vous savez, cette sensibilité unique à ressentir les
émotions des autres, à se mettre à leur place et à comprendre ce qui doit être compris
derrière les pensées et les sentiments). Le rôle de l'empathie est crucial dans le
développement de la résilience : c’est pour cela que beaucoup plus d’écoles devraient
permettre aux enfants de la développer : imaginez... un monde où chaque enfant grandirait
en comprenant et en respectant les émotions de ses pairs. Des générations futures abordant
les conflits avec compassion, sachant tendre la main, embrassant la diversité avec un cœur
ouvert sur les différences... Ce serait des « tuteurs de résilience » comme dit Boris Cyrulnik,
des gens qui aident à grandir, des points d’accroche affectifs sur lesquels il est possible de
s’appuyer pour reprendre vie. La résilience est un processus interactif, qui, de la naissance à
la mort, nous tricote sans cesse avec notre environnement.
À l’origine, le terme de résilience est utilisé en physique pour désigner la résistance
aux chocs de tous ordres que les matériaux subissent : soumis à un impact ils vont
retrouver leur état initial. Ils ont la capacité d’absorber les perturbations, être changés,
puis de se réorganiser, d'apprendre de la perturbation et de conserver toujours la
même structure de base, d'avoir toujours la même identité. Ce mécanisme de résilience est
l’un des plus puissants en psychologie, de ceux qui permettent de traverser une épreuve, de
s’en remettre pour ne pas rester coincé, marqué à vie défavorablement et pouvoir se
remettre à fonctionner comme un être humain normal, à apprécier l’existence, à ne pas en
garder une vision dévastatrice à cause de ce qui a été vécu et certains disent même que le
bout du bout de la résilience c’est de devenir plus fort, plus riche intérieurement, plus
heureux que l’on ne l’a été auparavant. Après avoir failli mourir ou avoir été anéanti
psychologiquement, redevenir pleinement vivant.
Une métaphore de la résilience que j’aime beaucoup est l’art du Kintsugi. On raconte
qu’il y a des siècles, un chef de guerre japonais casse son bol préféré : il confie à ses
artisans la mission de réparer son bol de manière artistique. Les éclats de l’objet cassés sont
récoltés, nettoyés et recollés à la laque naturelle. Une fois l’objet sec et poncé, on souligne
ses fissures à l’aide de plusieurs couches de laque et on saupoudre ses « cicatrices » de
poudre d’or. Sublimer une cassure, souligner une fissure plutôt que la camoufler, assumer
ses vulnérabilités, voici une démarche qui se décline en art-thérapie sur un objet, comme sur
un esprit. Soigné, puis honoré, l’objet cassé assume son passé et devient paradoxalement
plus résistant, plus beau et plus précieux qu’avant le choc.
Si on transpose à l’être humain qui a eu le cœur brisé ou s’est senti en mille morceaux suite
à une épreuve, l’approche consiste à appréhender cette situation en la considérant comme
une invitation à la nouveauté, comme un nouveau départ. Ramasser les morceaux, les
identifier pour les réunir, les ressouder et une fois à nouveau entier « saupoudrer d’or ». Le
kintsugi signifie littéralement « jointure d’or », cet art de sublimer, de réparer les failles, est
une philosophie de la bienveillance pour apprendre à s’accepter et s’aimer tel que l’on est.
Une épreuve abîme au début mais n’est pas une fin en soi, rien n’est figé et, après
réparation, les fragilités peuvent se muer en forces, les blessures devenir apprentissages.
Avant d’être cassé, vous ne savez pas de quoi vous êtes fait !
Dans la vie maçonnique, j’ai trouvé plusieurs symboles de ce degré pour nous aider à
devenir résilient : la transformation de la pierre brute en pierre cubique peut être vue
comme un processus de résilience, où on surmonte nos faiblesses et défauts pour devenir
une version plus accomplie de nous-même. Notre croissance personnelle et notre
amélioration continue malgré les défis.
Puis l’équerre et le compas : la 1ère qui représente la rectitude et la vertu et son
fidèle associé qui symbolise la mesure et la limite que l'on se fixe. Ces 2 outils inséparables
évoquent la discipline et les valeurs nécessaires pour naviguer à travers nos difficultés, à
fixer des limites appropriées et à agir avec droiture. Autant de pistes pour aider à maintenir
une stabilité mentale et émotionnelle en période de forte crise.
Enfin la quête de la lumière est centrale dans la franc-maçonnerie. Lueur d’espoir
vers la fraternité (ou plutôt adelphité comme nous l’a appris notre TCS Anne-Marie), elle
symbolise la connaissance, la sagesse, la vérité et représente la poursuite de l'illumination
intérieure. Rechercher la lumière, ou la compréhension et la connaissance, trouver du sens
et de la clarté même dans les moments les plus sombres est essentiel pour développer une
résilience intérieure.
Ainsi, nos symboles maçonniques nous offrent une riche source d'inspiration pour
comprendre et développer la résilience. Ils sont les ingrédients de notre transformation
personnelle, de quête de vérité, de discipline morale et de capacité de renouveau. En
intégrant ces principes symboliques, on peut renforcer notre capacité à surmonter les
adversités et à évoluer positivement à travers les défis de la vie.
Et si..., Si je pouvais voir détruit l'ouvrage de ma vie,
Et sans dire un seul mot me mettre à rebâtir..., ce début du poème de
Rudyard Kipling nous rappelle que quoi qu’il arrive, nous avons ici des outils, nous avons
cette formidable qualité spirituelle de notre foi laïque en l’être humain, nous avons notre
famille maçonnique surtout composée de personnes vertueuses qui cherchent à s’améliorer
avec bienveillance, force et sagesse.
Tiens, tiens, on dirait qu’à l’intérieur du temple j’ai retrouvé mon optimisme.