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SORCIERES

Ce soir je planche devant vous sur un thème qui m’est cher car j’affectionne pour bien des raisons les personnes dont je vais tenter d’approcher la vérité, cette espèce à part, cette fraction de l’humanité qui a vécu souvent dans la clandestinité, tour à tour consultée, crainte, dénigrée, persécutée, assassinée.

Quel que soit l’angle d’approche qu’il soit folkloriste, ésotérique, religieux, psychologique, philosophique, ou sociologique » la sorcière » donne beaucoup de grain à moudre à un nombre de personnes plus ou moins bien intentionnées, plus ou moins bien renseignées, plus ou moins objectives.

 Mon travail s’oriente sur trois axes, une approche factuelle puis une tentative de décryptage de ce que l’on nomme » la sorcière » et enfin un parallèle avec la maçonnerie spéculative.

 

J’ai cherché des définitions pour commencer, l’étymologie du mot sorcière vient du latin sors qui signifie sort jeter un sort

 Selon le Larousse la sorcière est une vielle femme laide et pratiquant une magie maléfique.

Plus largement c’est celle qui est réputée être en relation avec des forces occultes et qui peut agir par des charmes et des maléfices.

En anthropologie c’est celle qui effectue les rituels sacrés au sein d’une communauté.

Le fait que ce soit un personnage féminin et qui plus est possédant un certain pouvoir est assez atypique dans une civilisation comme la nôtre basée sur le patriarcat.

                Dans notre société la sorcière est en dehors du fait religieux institutionnel, elle ne pratique pas la religion comme les autres et va même jusqu’à être soupçonnée de faire des messes noires, des sabbats et de pactiser avec le diable.

 

Elle pratique une spiritualité qui échappe au christianisme.

La sorcière est considérée comme puissante elle est crainte. Déjà c’est une femme et l’on sait que depuis l’avènement des religions monothéistes, la femme est souvent diabolisée afin d’être mieux reléguée à un statut subalterne et afin de justifier l’abus de pouvoir que les hommes peuvent exercer sur elle.

La sorcière vit en lisière de la société, plutôt en dehors du village voire même dans la forêt au contact de la nature sauvage quelle ne semble pas craindre. Cet être solitaire par volonté ou par nécessité ne s’intègre pas dans le groupe et ne parait pas éprouver d’instinct grégaire.

Pourtant elle n’est jamais loin et semble au contraire veiller sur sa communauté.

Mais qu’est ce qu’une sorcière en fait ?

Souvent celle que l’on nomme à tort sorcière est une femme sans homme, âgée le plus souvent en tout cas veuve ou célibataire donc sans « contrôle », sans tutelle masculine, sans protection aussi d’un homme.

On prend aussi pour une sorcière celle qui connait les plantes et qui souvent essaye d’aider ses semblables en soignant les gens elle peut faire preuve de mercantilisme après tout il faut bien vivre et tous les philtres et prières magiques sont du domaine du folklore plus destinés à boucler les fins de mois.

C’est elle aussi qui accouche les femmes et que l’on va s’empresser de diaboliser si les choses tournent mal ou si l’enfant est mal formé.

Une femme aussi tout simplement qui n’arrive pas à concevoir d’enfant est soupçonnée de sorcellerie car bien sur l’homme ne peut pas être stérile.

Une femme trop belle et désirable aux mœurs libres peut vite devenir une sorcière lorsqu’un homme n’arrive pas à ses fins avec elle. 

La sorcière est tellement marginale, cela fait d’elle en fin de compte le bouc émissaire idéal elle sera accusée de tous les maux, perte de récolte, mort d’enfant, accidents, stérilité, maladie du bétail etc.

Cela ouvre les portes à toutes les persécutions, a tous les règlements de compte, a toutes les délations.

Toutes celles qui ne rentrent pas dans le moule, toutes celles que l’on envie pour leur savoir, leur beauté, toutes celles qui n’ont pas la chance d’avoir une famille protectrice sont susceptibles d’être dénoncées et accusées de sorcellerie.

La chasse aux sorcières a duré plus d’un siècle, et a été menée entre autres par le christianisme et notamment les tribunaux de l’inquisition, mais surtout par les réformateurs, elle a eu aussi pour but de faire disparaitre les reliquats de rites païens, d’éliminer les croyances antérieures au christianisme, et de donner un pouvoir sans limite à l’église.

Elle a été aussi orchestrée par des tribunaux civils.

A la fin du moyen âge et au début de la renaissance paradoxalement siècle des lumières l’église se croyait menacée par un complot de sorcières, elle a semé l’épouvante et la barbarie, le nombre exact de morts oscille entre 50 et 100000.

Les aveux étaient arrachés sous la torture, on leur reprochait de faire des sabbats nocturnes et de pratiquer des sacrifices, des orgies, de jeter des sorts.

En 1589 dans une petite ville d’Allemagne, Kelinburg, 1523 femmes sont brûlées vives dans la même journée.

En 1590 le roi d’Ecosse Jacques 1er va livrer des centaines de femmes au bûcher et conduire lui-même un certain nombre d’interrogatoires.

Le pouvoir religieux ainsi que le pouvoir politique ne souffraient pas d’être remis en cause à cette époque il ne pouvait y avoir de contrepouvoir puisque tout était d’essence divine y compris la monarchie, donc le reste était considéré comme blasphématoire !

Aujourd'hui, de nombreux historiens et philosophes s'accordent à penser que la chasse aux sorcières était en quelque sorte le prix à payer pour la naissance du monde moderne, rationnel et éclairé, comme s'il eut fallu tuer les femmes anciennes pour créer l'homme nouveau...La renaissance est l’émergence d’un nouveau courant de pensée et pour cela il fallait éliminer les autres et notamment ces femmes qui étaient puissantes pour laisser la place à l’homme avec un petit h.

Les sorcières étaient considérées comme dangereuses car ont leur prêtait le pouvoir de vie et de mort ce qui pouvait les apparenter à quelque chose de proche du divin, mais en fait elles étaient tout simplement savantes car elles possédaient la connaissance des plantes !

Elles étaient les premières lumières, les premières herboristes, celles qui petit à petit allaient faire évoluer le monde vers la rigueur scientifique, les précurseurs de la pharmacopée c’étaient des médecins avant l’heure.

 

 

Leur savoir elles le transmettaient oralement, plus souvent a des filles ou des petites filles car les garçons ne se destinaient pas à cette activité.

Les médecins par contre étaient des hommes et les femmes « savantes » leur faisaient de l’ombre car souvent elles en savaient bien plus qu’eux donc pour cette raison aussi elles ont été persécutées.

Cette science des plantes donnait beaucoup de pouvoir à celle qui la maitrisait elle pouvait soigner comme elle pouvait tuer on le sait notamment car de nombreuses plantes comme la cigüe, la digitale pourpre, la belladone, le ricin, le datura pouvaient en fonction du dosage devenir des poisons extrêmement efficaces. L’utilisation des plantes à des fins meurtrières a provoqué un grand scandale sous le règne de louis XIV, 36 condamnations à mort furent prononcées ainsi que des bannissements, Me de Montespan favorite du roi fut soupçonnée mais l’affaire fut étouffée et tous les témoins et accusateurs mis au secret.

 

 

Les sages-femmes à partir du moyen âge utilisaient l’ergot de seigle aussi pour les accouchements difficiles afin de soulager la douleur, là encore elles étaient en contradiction avec le fameux dogme « tu enfanteras dans la douleur ».

 La légende prétend que les sorcières volaient mais elles savaient surtout comment planer et avec quelle substance !

Rien de sorcier dans tout cela juste une pensée rationnelle qui compromettait l’obscurantisme religieux. Et non seulement une pensée scientifique mais aussi une philosophie de vie qui se distanciait de la religion. Une philosophie qui surement faisait de l’ombre aux lumières !

On ne dénombre que peu de femmes philosophes et ce depuis une période assez récente mais on a brûlé un certain nombre de femmes en les accusant de sorcellerie tout simplement car elle portait un regard éclairé sur leur société un regard différent.

On pourrait se dire que la sorcière a disparu dans notre société hyper moderne axée sur la science l’industrie et le consumérisme mais il n’en est rien.

On peut prendre l’exemple de Starhawk une activiste américaine féministe écologiste et chantre de la non-violence qui s’est auto proclamée sorcière.

Pour Starhawk les bûchers du 16éme siècle ont fait le lit d’une société future qui allait dévaloriser la femme et se détourner de la nature, elle est une écoféministe écrivaine et se proclame sorcière.

 

 

 

En 2019 en Arabie saoudite une femme a été accusée de sorcellerie et décapitée, on l’a accusée de prétendre pouvoir guérir les gens et de leur demander de l’argent en échange de ses soins.

En novembre une tribune a été publiée qui s’intitulait « sorcières de tous pays unissons-nous »200 personnalités s’unissaient pour dénoncer les violences faites aux femmes et se revendiquaient sorcières pour faire écho à toutes ces femmes qui ont étés victimes d’une société centrée sur un patriarcat avilissant et réfractaire à la liberté des femmes.

La chasse aux sorcières n’est pas terminée semblerait -il.

D’ailleurs ce terme est couramment utilisé pour signifier que l’on s’en prend à une catégorie de personnes qui se retrouvent stigmatisées.

L’assassinat de toutes ces femmes, les tortures quelles ont subi tout ceci devrait être reconnu comme un crime contre l’humanité et j’insiste là-dessus car ce qui est arrivé il a quelques siècles a profondément marqué les femmes. C’est une mémoire terrifiante qui nous a été léguée et le traumatisme trans générationnel est très fort. On accusait ces femmes de mensonges, on les torturait on reniait leur identité. Sous la torture elles avouaient n’importe quoi elles étaient déstructurées mentalement et pendant ce temps Descartes écrivait le discours de la méthode !

Eve, Circé, Cassandre, Morgane et vous toutes mes sœurs, quelle femme ne s’est pas fait traiter de sorcière ? Nous sommes inconsciemment marquées par cela, nous devons sans cesse prouver notre valeur nous devons sans cesse justifier nos actes, nous devons sans cesse revendiquer nos droits.

Peut-être que vous mes frères cela vous fait sourire mais essayez pour une fois de vous mettre à notre place.

La sorcière c’est la femme en somme, nous sommes toutes des sorcières.

Alors forcément je pense aussi à la franc-maçonnerie si souvent décriée, si souvent menacée, si bêtement attaquée par des ignares.

Nous sommes comme les sorcières, victimes de théories du complot.

 Le complot judéo-maçonnique notamment.

Nous possédons un certain nombre d’objets symboliques communs, le crâne, le sel, la lune, le soleil, la lumière des bougies qui accompagne nos cérémonies, l’étoile a 5 branches.

Nous aussi ne sommes pas très en odeur de sainteté n’est-ce pas ? Actuellement nous sommes encore excommuniés à l’image de ces sorcières.

Nous avons été aussi soupçonnés comme les sorcières de pratiquer des messes noires et des assassinats d’enfants.

Bref il semblerait que lorsque la pensée cherche à progresser pour le bien de tous il y ait en face un rempart de médiocrité intellectuelle qui se dresse. La liberté de pensée fait peur.

Les francs maçons ont été torturés, enfermés, déportés, exécutés par des régimes fascistes et antidémocratiques.

Comme les sorcières nous avons appris à vivre et évoluer de façon discrète.

Sous la voute étoilée nous nous réunissons à l’abri des regards, nous pratiquons un rituel inaccessible au profane, nous débattons de sujets sensibles, nos idées vont au-delà des clivages politiques et religieux. Nous avons une approche différente de l’humanité, de la société.

Nous n’obéissons pas aux dogmes religieux.

Je voudrais cependant nuancer un peu mon discours en exprimant le regret que certaines loges soient interdites aux femmes encore maintenant au 21éme siècle et sous quels prétextes ?

Que nous pourrions perturber ces messieurs par notre présence féminine, vous voyez la sorcière n’est pas si loin que cela même en franc-maçonnerie.

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